La Bergerie Céramiques

Les cinq saisons de Vallauris

C'est bien connu, l'année commerciale compte une saison de plus que l'année civile normale : la Morte Saison.

Cette dernière est d'une durée variable.

Lorsque ma mère a créé son magasin de vente de céramique d'art à Vallauris, "La Bergerie", en 1958, et pendant les trente premièrs années au moins, elle ouvrait son commerce 363 jours par an, ne fermant que le jour de Noël et le Premier de l'an.

Bien entendu, la fréquentation de Novembre ou de Janvier n'avait rien à voir avec la ruée estivale, mais tout de même, ça marchait assez bien pour justifier les seize kilomètres quotidiens, aller-retour entre le domicile de ma mère à Mougins et son commerce, ainsi que l'emploi d'une vendeuse à plein temps. L'été, une deuxième vendeuse était engagée.

Il y avait, certes, des temps creux, meublés par de la lecture, si bien que ma mère avait lu la totalité des romans déposés à la bibliothèque municipale, dont elle notait soigneusement les titres dans un petit carnet.

De temps en temps, une célébrité du monde du spectacle, de l'art ou de la politique, franchissait la porte du magasin. Cela alimentait les commentaires pour un temps.

Puis vint le temps du déclin. A partir des années 80, il devint chaque année de plus en plus sensible; des hauts et des bas, la réussite de certains commerces tandis que d'autres disparaissaient, masquaient une réalité difficile à admettre : la céramique était en train de passer de mode.

Il faut également avouer que tout avait été mis en oeuvre pour dégoûter le chaland : une production de masse de faible qualité (ah, le "faux-grès"!), des vases qui fuyaient, des vinaigriers qui pissaient le vinaigre et vous massacraient le meuble qui les supportait, des décors "chromos" qui s'effaçaient au lave-vaisselle, des importations de bas niveau labellisées "Vallauris", rien n'avait été oublié pour prendre le client pour une poire que l'on presse jusqu'à la dernière goutte.

Et on ne peut pas parler de culture de l'accueil : commerçants au ton rogue, artisans mal-aimables, mépris généralisé pour ces "touristes" si nombreux qu'on ne pouvait imaginer la fin de l'invasion.

Avec les années 90, s'ouvrit la période "western" de Vallauris : des hordes barbares venues des grands ensembles et autres lieux, sans aucun respect pour les transhumants qui venaient se faire légalement délester de leurs économies ni pour l'image de la localité, s'abattirent sur les placides visiteurs, arrachant sacs et bijoux, pillant les véhicules, et ce, avec la passivité la plus totale des autorités, qui se contentaient de nier l'affaire, et laissaient les victimes se débrouiller seules.

Il faut bien avouer que le phénomène s'est aujourd'hui tari : il n'y a plus personne à piller.

Désaffection générale envers le produit, mauvais accueil, mauvais objets, insécurité galopante, perte d'attrait artistique, il n'en fallait peut-être pas plus pour en arriver où nous en sommes : la Morte-Saison dure à présent 365 jours par an.

Si nous avions pu parler l'an dernier d' "Une saison en enfer", que dire aujourd'hui?

La seule initiative tendant à susciter un peu d'animation, ce sont les commerçants et artisans encore présents qui l'ont tentée, en assurant à leurs frais l'animation lors des nocturnes de chaque vendredi soir. Une aide quelconque de la mairie? Que non.

Et toujours les mêmes "fêtes" traditionnelles, toutes plus ringardes l'une que l'autre, sans entrain, sans intérêt, sans enthousiasme, au public raréfié, copies décadentes de celles des années précédentes...

Une agonie qui n'en finit plus, voilà le sort de Vallauris, dans l'indifférence de fer des autorités de tous les niveaux...



05/09/2011
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