La Bergerie Céramiques

La corruption à Vallauris

 

 

La corruption à Vallauris

 

 

 

 

C'est un thème à la mode. Malheureusement, les journalistes semblent ne s'intéresser qu'à la représentation nationale et aux membres du gouvernement, sans jamais évoquer les 36 000 communes où se passent la majorité des faits, en tous cas ceux qui touchent directement les citoyens. Vallauris est-elle dans la norme, ou bien un cas particulier ?

 

Une importante réunion publique consacrée à ce thème, qui s'est tenue à Vallauris le 24 Octobre dernier et a été relayée par l'émission de télévision « Complément d'enquête », a fait salle comble.

 

Des bruits divers circulent sur l'intégrité de certains marchés publics, tels que le renouvellement de l'éclairage, le recours systématique à la même entreprise niçoise de travaux publics (Brosio), le contrat de stationnement avec Vinci, le marché du parking souterrain de la place de la mairie (toujours Vinci), le contrat d'assainissement avec la Lyonnaise des Eaux etc.

 

L'emploi des subventions est également mis en cause : l'évaporation étrange des fonds perçus pendant des années au titre du FISAC*, et qui n'ont nullement été affectés à leur objectif initial, par exemple.

 

Enfin, des personnes sont nommément mises en cause comme, par exemple, l'adjoint à l'urbanisme, suspecté par certains de conflit d'intérêt, par d'autres de prise illégale d'intérêts, et qui a cru bon de faire paraître une pleine page de défense et de dénégations assez ridicules dans « Nice-Matin » - il y reconnaissait par maladresse faire partie d'une sorte d'organigramme de Vinci - ou encore tel autre élu, qui, dans une fonction antérieure, avait fait acheter des autocars inutiles, dont 11 brûlèrent peu après dans des conditions plus que mystérieuses sans qu'une enquête d'une discrétion à toute épreuve ait pu trouver les coupables, pas trop cherchés au demeurant.

 

Bien évidemment, dans une ville en crise économique et sociale, engagée dans un déclin consternant, et dirigée par une équipe à la botte d'un maire qui passe son temps à éluder les questions et affiche un mépris total pour la réalité, il est assez normal que les citoyens s'interrogent ; la tentation du « tous pourris » devient naturelle, surtout lorsque certains des personnages visés ont déjà par le passé été proches de scandales importants, comme la fameuse affaire dite de « la Batterie de la Maure », énorme construction illégale pour laquelle une colline avait été arasée, ou encore la construction du port de plaisance et les « cadeaux » en places de port qui l'avaient accompagnée.

 

Et bien, au risque de décevoir, je ne vais pas hurler avec les loups, ni accuser à tort et à travers nos élus de malversation, là où il n'y a souvent que stupidité endurcie.

 

Il a en effet fallu être bien sot, pour dilapider 700 000€ (au moins…) à subventionner l'installation d'un gâte-sauce aujourd'hui envolé, et qui venait de mettre en faillite le célébrissime Moulin de Mougins, l'un des quatre ou cinq meilleurs restaurants de France. Quel particulier aurait été assez léger pour engager son propre argent auprès d'un individu doté d'un tel palmarès ? Bien sûr, on a ainsi fait plaisir à un copain, propriétaire d'un des immeubles concernés par l'opération, rénové aux frais de la princesse ; mais aujourd'hui, et malgré les mensonges étalés dans la presse à propos d'un repreneur également disparu, la boutique est vide, et le restera.

 

Il a fallu être bien stupide ou bien snob, pour faire venir un architecte parisien qui venait de perdre ses espérances à La Défense, et lui confier la rénovation de la vieille ville. On a vu ce que le talent de cet artiste des banlieues sacrifiées avait su réaliser : une place de l'Homme au Mouton et des rues recouvertes d'un puzzle compliqué de matériaux divers aussi coûteux que tristes d'aspect, où l'on a cru devoir mêler trois ou quatre sortes de granit au teint sinistre, pompeusement rebaptisé « porphyre », trois ou quatre modules de calcaire, du granulat de béton d'une laideur insoutenable, impossible à nettoyer et aujourd'hui d'un aspect immonde, mais aussi de la brique et de l'enrobé de goudron. Ne manque qu'un raton-laveur. Et tandis que l'on défonçait les rues pour réaliser ce merveilleux assemblage, on ne se mettait pas d'accord avec EDF pour enfouir les câbles, ce qui nous vaut cet enchevêtrement de fils en façade digne de Lahore ou de Rawalpindi.

 

Mais ce n'est pas tout : quitte à confier des tâches à un mauvais qui nous ruine, autant lui faire massacrer d'autres lieux. Ainsi, la nouvelle place de la mairie, dite encore place des écoles et officiellement Place Cavasse, est-elle devenue la cerise moisie posée sur l'infect gâteau d'un parking souterrain à demi vide en permanence, patate chaude de la municipalité qui a vendu la ville à Vinci pour s'en débarrasser.

 

Outre que cette place ne peut supporter aucune manifestation importante en raison de sa fragilité (les installations et le public risquent par leur poids de se retrouver 20m plus bas après avoir traversé quatre niveaux), sa laideur mériterait d'être citée en exemple dans le monde entier, de ce qu'il ne faut pas faire : un vaste espace minéral, brûlant l'été, glacial l'hiver, que le rare piéton égaré traverse en pressant le pas, et qui fait irrésistiblement penser aux réalisations architecturales staliniennes les plus sinistres, le tout égayé par des « fontaines » au film d'eau invisible, toujours en panne et qui ont rejeté à la mer des milliers de m3 d'eau potable suite à un long dysfonctionnement.

 

Par ailleurs, il était bien évident que ce parking souterrain serait le tonneau des Danaïdes des finances publiques, et nous, qui avons exploité 10 000m² de parkings à La Défense et 4000 à Paris-Montparnasse, savions bien ce qu'il en était, mais il était aussi évident que personne n'allait écouter notre avis.

 

L'ignare qui a réalisé ces monstruosités sans aucun respect pour notre identité de petite ville provençale, et ceux qui l'ont commandité et se gargarisent de ses exploits, devraient être exposés sur cette place et abondamment couverts de fruits et légumes locaux trop mûrs, lancés par une population payeuse et exaspérée, qui trouverait dans cet exercice un peu de consolation à ses deniers envolés.

 

Enfin, il faut aussi être bien bouché pour ne pas comprendre que ces lugubres biennales d'art contemporain que l'on nous assène avec une régularité de métronome, n'intéressent personne, qu'il n'y vient à peu près personne, qu'elles ne sont nullement une vitrine pour la ville faute d'intérêt et de communication, et, outre la satisfaction financière de quelques petits malins bien placés, ne sont qu'un gouffre à deniers publics.

 

Car voilà où je venais en venir : non, il n'y a pas que des pourris qui dirigent notre ville, il y a surtout beaucoup d'incapables.

 

Il n'est que d'assister à une réunion du conseil municipal, pour en être convaincu. Toujours le même rituel : une majorité municipale qui n'intervient rigoureusement jamais, ses membres étant trop heureux de percevoir 250€ par mois à condition de ne rien dire. Le maire et ses adjoints débitent sur le ton le plus ennuyeux possible un pensum où l'on a pris soin de cacher l'essentiel, et, lorsqu'un membre de l'opposition de droite ou de gauche prend la parole, le maire se met ostensiblement à discuter avec ses voisins, afin de bien montrer le mépris avec lequel il traite ces élus. Cela fait dix ans que cela dure.

 

Lorsque les difficultés commencent vraiment à s'accumuler, la réponse est toute trouvée : silence et disparition. Ainsi, cela fait des mois que l'adjointe au commerce a disparu des écrans, craignant évidemment la colère des commerçants à l'agonie. Ce qui ne l'empêche pas de continuer de toucher une substantielle indemnité. Il a même été question un moment qu'on la remplace par plus incapable qu'elle…

 

Ainsi en est-il de ces emprunts toxiques, dont n'importe quel citoyen ignorant des subtilités de la finance se serait méfié, et qui plombent les comptes de la ville pour trente ans, soit le double de ce qui est considéré comme tolérable par les agents de l'Etat ou la Chambre régionale des comptes.

 

Ainsi en est-il de la subvention de 8 000€ accordée jadis a une association fantôme dont le président était recherché par la police : on a cru « faire plaisir » à un copain, et on a jeté l'argent par la fenêtre. Les exemples de cet ordre sont légion, ce qui explique que le tissu associatif, naguère si riche, se soit totalement effiloché.

 

Non, il n'y a pas que la corruption…Ce serait trop beau !

 

Mais, pour autant, peut-on en disculper complètement nos élus ?

 

Plusieurs dossiers méritent une enquête, et c'est ce qui est en train de se produire avec l'affaire dite du Château Robert, où l'on a vu la ville verser en douce 300 000€ à un proche du roi d'Arabie qui ne les demandait pas, déclasser des bois protégés afin de créer les conditions d'une spéculation immobilière énorme, et où le maire a été pris en train de mentir à la télévision, affirmant n'avoir pas échangé de courriers avec le prince arabe concerné, tandis que son premier adjoint, M. Guy Giraud, s'empressait de fournir la copie de ces courriers à qui les demandait. Ambiance…

 

Espérons que, s'il y a matière, la justice ne mettra pas vingt ans à rendre son verdict, comme c'est souvent le cas dans ces sortes d'affaires.

 

En ce qui me concerne, je me suis attaché à tenter de savoir ce qu'étaient devenus les centaines de jolis réverbères que la ville a fait remplacer par autant de moches, sous couleur d'économie, l'économie se traduisant pour l'instant par une facture de 7,5 millions d'euros.

J'ai écrit début Octobre à l'adjoint à l'urbanisme (encore lui), qui m'a affirmé ensuite de vive voix n'avoir pas reçu ma lettre, envoyée en RAR, mais que ces réverbères étaient bien toujours la propriété de la ville. Je lui ai donc écrit à nouveau, sans plus de succès, demandant encore où ces réverbères étaient stockés, et leur nombre.

 

Un citoyen qui faisait la même recherche, s'est entendu répondre par l'entreprise qui les avait installés (Pignatta-Ineo) que ces réverbères avaient été « volés ». Par King-Kong, probablement.. Quelques mois plus tard, le premier adjoint écrivait à Jean-Noël Falcou, délégué local d'Europe-Ecologie Les Verts, que les réverbères étaient dûment stockés…

 

Bien entendu, 200 réverbères d'une valeur résiduelle de 4 à 500€ l'unité, ça fait un peu trop d'argent pour laisser la question sans réponse…

 

Il faudra bien un jour que la France, qui fait en la matière figure de république bananière, se réveille, définisse et réprime la corruption, quelle que soit sa forme et qui que soit son auteur.

 

Peut-on qualifier de corruption, le fait qu'un maire règle la facture (environ 300€) de ses achats de céramiques dans une boutique de Vallauris, à une sous-préfète ?

 

Est-ce de la corruption, si la femme d'un maire, folle de rage après le refus d'un employé, excipant de sa condition, se fait fournir par le patron d'une pharmacie un médicament normalement délivré sur ordonnance, qu'elle n'a pas ?

 

La France serait-elle toujours une nation dans l'enfance, ou plongée dans les brumes de l'Ancien Régime, voire de la féodalité, incapable de traiter les « puissants » comme des égaux ?

 

Il semble que les temps soient venus de changer sinon les mentalités, du moins les pratiques. Un élu qui vole ou qui abuse de son autorité, c'est un élu qui est jugé, qui est accablé de circonstances aggravantes, et qui va en prison. Un point, c'est tout.

 

 

 

 Christian Azaïs

 

 

 

 

 

  • (*) FISAC : Fonds d'Intervention pour les Services, l'Artisanat et le Commerce
  • Pour ceux qui désirent exprimer leurs sentiments quant au contrat de stationnement, voici l'adresse électronique du directeur régional de Vinci Park : jmgeffroy@vincipark.com

 

 

 

 

 

 

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07/12/2012
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